[Préliminaires] Comme un premier samedi du mois

**Met la vidéo sur Pause**
Ca arrive souvent autour d'une table. Entre potes. Une phrase lancée en l'air repris par deux trois potes.
Ca arrive souvent autour d'un verre. En société. Un sous-entendu qui donne une autre tournure à la discussion.
L'arrivée du porno.
Le porno, c'est un peu le dernier invité dont on a honte de demander s'il vient à la maison ce soir mais qu'on s'attend tous à voir. Le squatteur de soirée, le mec qui s'invite un peu et dont, parfois, on n'ose pas trop dire du bien. Y'a des sujets comme ça : Le porno, la religion, la politique. Le premier étant le moins hypocrite des trois.
Il est difficile d'être consensuel quand on évoque le porno. Chaque mot étant susceptible de trahir des mœurs suspectes ou un copinage éventuel avec un individu un peu louche, le X.
Je regarde du porno depuis longtemps. Cela ne m'a jamais dérangé. Je ne m'en suis jamais caché. Ma vie sexuelle n'est pas en berne pour autant et je pense sincèrement qu'il n'y a pas que la branlette dans la vie. Il y a le sexe aussi. J'ai avec Porno une relation saine, de la bonne camaraderie. Il passe à la maison parfois, on se mate un truc, on rigole ensemble. Et bien qu'il ne montre pas toujours son meilleur visage, il est un peu bourru et brute parfois, il sait se montrer "smooth" et cool.
J'ai d'ailleurs pu constater, en plus de son apparition de plus en plus décomplexée au sein des babillages amicaux, des avis de plus en plus tranchés à son égard, ce qui motive un peu ce billet.
Mes débuts avec Porno remonte aux VHS du darron, ces vidéos qui commençaient par un petit "cinéma, ci-né-ma, doubidoubidouuu tchi tcha"! (N2Triice : Pour ceux qui ne l'ont pas reconnu c'était le jingle de Canal + avant la diffusion des films)... Les discussions avec les potes autour du sujet ont évolué avec le temps. Comme tout adolescent curieux, avec des hormones qui se réveillent, on en parle d'abord dans le contexte graveleux de celui qui parle beaucoup sans jamais avoir fait grand chose, puis, avec le temps, le débat est devenu plus élaboré, notamment avec l'arrivée de l'ADSL et des tubes. Les positions, les actrices, les scénarios inexistants. Pour moi, le porno est devenu un genre à part entière, avec ses codes, ses clichés, ses classiques. Un genre dédié à la gente masculine.
Au début des année 2000 Porno s'est radicalisé, comme en politique, il a connu sa fièvre des extrêmes. Avec le net s'est démocratisé le Gonzo. On s'est débarrassé des scénars pourris, on a resserré les plans caméra. On est passé petit à petit à ce qu'on pourrait appeler le porno gynécologique. A cette époque parler porno avec une femme, sujet classé X, était l'aveu d'être une personne déviante, perverse. Ou pire.
Mais les choses changent. Je me souviens d'un soir où un de mes potes, pendant un repas entre amis donc quelque peu alcoolisé, a commencé à délirer avec moi sur le nombre de Giga-octets contenus sur mon disque dur, une vraie vidéothèque... L'information ayant filtré (principalement à cause de nos rires de trolls déchirés) la conversation devint publique. On apprit ainsi que celle ci savait que son copain possédait sa collection de pornos et qu'ils en avaient regardé un ensemble, en plusieurs fois, forcément. Les couples se sont regardés avec l'air grivois de ceux qui se doivent d'essayer à leur tour. Ca rigole. Ambiance bon enfant. Porno s'est pointé à la soirée et, miracle, s'est fait invité à siffler un godet et non mettre à la porte comme un malpropre.
En constatant que le phénomène se répétait, j'ai commencé à me poser des questions, à faire un état personnalisé des lieux.
Ma conso perso tout d'abord.
Comme je l'ai dit précédemment, j'ai raffiné mes sélections. L'un des problèmes du net ce sont ces rapports de science fiction mode Maxi Best Of, où tout est plus gros, avec beaucoup d'additifs ajoutés. On se retrouve avec une actrice gonflée comme une baudruche en train de cracher sur un phallus avant de s'empaler et d'y aller à coups de reins ravageurs, le genre de scène tellement violente que vous en avez mal au bas ventre. "Un Bukkake ça va, c'est quand y en a beaucoup qu'il y a des problèmes" (I see you Brice). C'est pas ma came. Désolé.
Je suis un mec du quotidien. J'aime, toute proportion gardée, que ce que je vois serve à attiser mes fantasmes. Une source annexe d'excitation. Un X dont je serais le héros. Du coup, je me suis redirigé petit à petit vers les long métrages plus funky des grosses boites américaines. Un scénario, un jeu d'acteur (rien qui ne mérite un oscar mais on a pire dans le cinéma traditionnel) et surtout un esthétisme qui nous sort des ambiances double C (Caméra Cave). Les gros plans fixes de 5 minutes en mode anatomique me font peur, j'ai l'impression qu'on va m'éjaculer dans l’œil.
Porno a compris que pour s'inviter au sein d'un couple et proposer une partie à 3 à Madame, façon "Mon mari, Porno & moi" il valait mieux tamiser la lumière, donner un côté plus ludique à ses productions.
Ca fonctionne.
Je suis allé faire un tour du côté du Tag Parfait, le magazine web de la culture porn qui fêtait samedi son premier anniversaire. Je me suis entretenu avec son rédacteur en chef, Gonzo, pour lui demander son avis sur la question et expliquer le succès du Tag.
Un jour en parcourant Xvidéos (cf sa page "tags"), je suis tombé sur un porno avec Stoya, je connaissais vaguement son nom, mais sans plus. Je suis tombé amoureux de la fille en un coup d'oeil, parce qu'elle ressemblait à tout sauf une actrice de cul, c'était un peu la petite copine idéale, superbe, classe et coquine. Après cette “rencontre”, j'ai commencé à chercher plus de vidéos d'elle, puis tout naturellement j'ai atterri sur le site de sa boite (Digital Playground), j'ai regardé les teasers et celui-ci (Atomic Tease) a été une révélation. Bande son d'un big band jazz, montage du teaser comme un film “classique” (alors que c'est du gonzo), filles superbes... Bref, je me suis dit que le porno avait bien changé depuis quelques années et que les tubes en faisaient pas trop la promo (logiquement, vu qu'ils sont menacés de procès par ces boites). Alors j'ai continué mon petit parcours porno, j'ai découvert Eon McKai, James Deen, les films (à scénario) de chez Digital Playground. Ces films que tu peux regarder avec ta copine sans gêne. C'était un peu l'obsession du moment, comme un gosse qui aurait trouvé un trésor, j'ai commencé à en parler autour de moi et je me rendais compte que personne n'avait jamais vraiment prêté attention à ces films, parce qu'on peut difficilement les trouver sur les tubes et c'est le mode de consommation numéro un de notre génération (appelle ça la génération porno). L’esprit de partage, montrer aux gens qu’il existe d’autres trucs cool que du gonzo dégueu, même si ça peut-être excitant. Puis est arrivé ce soir où y’a eu un déclic.
On était avec des amis (pour la plus part journalistes, blogueurs...) à l'anniversaire d'un pote. Je sais plus qui demande quels sont les changements sur les tubes, et un pote sort "bah demande à Gonzo, c'est le spécialiste des tags". Je lui sors les tags un peu "trendy" que j'avais repéré. Puis j'embraye sur une ode à Stoya, je m'emporte, y'avait qu'une seule fille à cette table et j'ai remarqué qu'elle était hyper attentive. Y'a un vieil adage que m’a toujours sorti l’ancien patron de la Superette (N2Triice: Blog où Gonzo a fait ses classes) "tout ce que tu fais, fais le pour les filles", alors je me suis dit que c’était marrant d'intéresser cette fille avec du porn !
Donc ça trotte dans ma tête, car finalement il n’y a aucun support en français pour parler de quelque chose qu'on regarde tous. Je commence à en parler autour de moi, et un ami journaliste me dit "ptain mais grave mec ! Ça fait trois mois que je tanne machin pour monter un truc dans le genre !". Comme j'avais un peu de temps à ce moment là, j'ai lancé le truc, ça a mis 3 semaines pour se mettre en place, le temps de monter le blog et d'avoir quelques articles, puis finalement nous voilà, un an après, c'est devenu un magazine, ça me prend un temps de plus en plus important. Le Tag Parfait parle aux gens, car on a comblé un vide, pouvoir parler de porno sans tabou, de manière détendu, entre “potes” en fait.
Le porno évolue, tout comme la sexualité, de génération en génération. Demandez à votre mère si elle a eu son quota de cunni plus jeune et observez son visage. Il y a des chances pour que, juste avant de vous prendre une gifle de niveau pro, elle baisse la tête vers le sol de déception.
Les femmes matent elles aussi, de plus en plus de porno (Sondage IFOP à l'appui, s'il vous plaît) mais à cela il faut mettre un bémol car auprès de beaucoup d'entre elles règne toujours l'image d'un porno UNIQUEMENT dégradant et abaissant pour la femme. Pour approfondir, je suis parti me renseigner auprès des quelques amies. J'ai pu constater que pour pas mal d'entre elles ce sont leurs premières rencontres avec le porno, ou les mecs en matant (pas les meilleurs exemples du lot) qui les ont rendu méfiantes. Il faut dire que tomber par hasard sur une éjaculation faciale n'est pas ce qui se fait de plus poétique ni voir 3 de ses potes dans un canapé limite en train de se pogner devant une vidéo, le regard vide, hypnotisés...
L'une d'elle m'a dit çeci:
Le porno a faussé la notion de sexe a plusieurs génération. Le porno l'a sali. C'est devenu une histoire de soumission où la femme devient littéralement une chienne à la merci de l'homme à la grosse queue. Ou la pauvre nana se retrouve à 4 pattes avec 6 mecs autour d'elle. Je ne parle même pas de pratique humiliante dont je ne connais certainement pas le nom, mais maintenant, les mecs s'attendent à ce que le sexe devienne un court-métrage signé par Dorcel. Plus d'amour, "à quatre pattes, bitch !" C'est triste. Moi perso ça me met ultra mal à l'aise de parler de ça, qu'on présente des actrices porno comme des artistes, et que si tu n'es pas aussi entreprenante que Clara et ses copines, t'es naze. Youporn killed the real Love. C'est sûrement niais ce que je dis, mais c'est mon avis.
Quand une amie me dit que son mec se fait un porno tous les soirs, et que ça ne la dérange pas, je suis profondément choquée.
Je ne pense pas qu'elle ait complètement tort. Mais le porno évolue. Il suffit de traîner sur quelques Tumblr pour voir de belles photos. Oui oui, belles. Et ça reste du "interdit aux mineurs", croyez moi! De nouvelles gammes de films se lancent sur le marché. Des films avec des histoires d'amour, des bons sentiments, des acteurs qui s'aiment, des scènes de porno qui ne donnent pas l'impression que le cameraman est armé d'un spéculum prêt à servir. Des films destinés aux femmes, aux couples. Qui sauraient montrer patte blanche dans les chaumières, à côté du canard, de l'huile de massage chauffante, du godemichet et de l'anneau vibrant.
Je ne sais pas particulièrement ce qui a motivé ce billet, quand tant d'autres sujets étaient possibles. Peut être en hommage à l'émoi que me procurait tout jeune, l'arrivée du premier samedi du mois.
Je parle de tout et rien, mais surtout pour ne rien dire. Si je ne dis rien c'est que j'ai tout dit. Dites bienvenue au vagabond urbain. Là je ris. Inside. http://www.triice.fr